Le syndrome de l’imposteur est vécu par de nombreuses personnes, et pourtant, il crée la solitude. Témoigner de son impact est une action majeure pour aider à la compréhension des souffrances vécues au quotidien, et aider l’entourage à soutenir correctement. Bravo à toutes celles et tous ceux qui ont franchi ce pas.
« Il m’est difficile d’accepter ‘le succès’ de quoi que ce soit car j’ai le sentiment qu’un jour les personnes autour de moi se rendront compte que je ne mérite pas cette place, et que je vais finir par décevoir tout le monde. »
« C’est difficile de gérer ce syndrome de l’imposteur chaque jour. Il me pousse à me mettre beaucoup de pression et à me surpasser constamment. C’est épuisant et parfois j’en arrive à me convaincre que de devrais arrêter mon doctorat car je n’en vaux pas la peine. Je pense que mon encadrant a du mal à comprendre cela et n’arrive donc pas à me donner le soutien dont j’ai besoin. »
« Vivre avec un très fort syndrome de l’imposteur est paralysant. Je me dis constamment que je devrais tout laisser tomber et abandonner car je ne suis pas assez bon pour réussir. C’est épuisant. »
« J’ai honte du fait qu’en raison de ressentir ce syndrome de l’imposteur, je n’essaie même plus et souvent la peur d’échouer m’empêche de faire mes expériences. En tant que la première personne (et femme) de ma famille à faire un doctorat, j’ai constamment peur de les décevoir. »
(Témoignages de doctorantes et doctorants ayant participé à nos formations en 2025, publiés avec leur accord).
L’identification
En 1978, deux psychologues cliniciennes, Dr Pauline Clance et Dr Suzanne Imes publiaient un article après cinq années de travail avec environ 180 femmes aux carrières brillantes âgées de 20 à 45 ans, et partageaient avec le monde la notion de « syndrome de l’imposteur ».
Clance & Imes venaient d’identifier la souffrance psychologique cachée de ces femmes excellant dans leurs domaines, dont certaines avaient décroché un doctorat, et qui pourtant passaient la majeure partie de leurs journées à lutter contre leur sentiment d’imposture, et la peur d’être découvertes comme telles.
Ces femmes n’attribuent pas leur succès à une qualité inhérente ou une compétence développée, mais à la chance ou à l’erreur.
Ce sentiment d’imposture génère une anxiété constante, sabote la confiance en soi, mène à la procrastination (générant encore plus de stress) ou au surinvestissement, et est parfois si intense qu’il peut conduire à la dépression.
L’ironie est que plus on a d’instruction, moins on croit en soi.
La naissance du syndrome
Selon Clance & Imes, les sources de ce sentiment d’imposture viendraient des dynamiques familiales vécues pendant l’enfance, qui auraient pu graver ce message dans l’inconscient en, par exemple, comparant des enfants entre eux, ou à l’inverse, en raison de la pression de réussite exercée sur une toute jeune fille.
L’impact de cette dynamique se traduira, entre autres, par la réduction de sa capacité à exprimer des opinions personnelles au profit d’un discours calculé pour satisfaire l’autre. La « flatterie intellectuelle » sera l’outil de prédilection pour gérer son angoisse de la découverte par l’autre de ses failles.
Ce comportement érode-t-il au passage intégrité et estime de soi ? La boucle est-elle sans fin ?
Le témoignage d’Aneline Dolet, docteure en traitement d’image médicale et formatrice polyvalente en charge du suivi financier chez ALM-formation nous offre un aperçu de l’impact de ce syndrome sur sa vie au quotidien.
« Fin 2018, mon doctorat en poche, c’est décidé : je veux être enseignante-chercheuse. La thèse m’a permis de découvrir ma vocation profonde : l’enseignement ! Je veux transmettre, motiver, accompagner à prendre conscience de son plein potentiel. Les étapes ? La qualification, un post-doctorat et des campagnes de concours de Maître de conférences dès 2019.
J’obtiens la qualification sans soucis mais le doute s’installe ! Dans mon entourage du domaine (anciens professeurs en école d’ingénieur, collègues Maîtres de conférences, professeurs et chercheurs.euses), plusieurs personnes font partie de la commission de qualification. Une petite voix en moi se dit « j’ai eu de la chance qu’ils en fassent partie, ce n’est qu’à cause de ça que j’ai eu la qualif ! ».
Deuxième étape, être recrutée en post-doctorat. Et ça recommence. « Évidemment, tu n’as été reçue en entretien uniquement parce que les recruteurs connaissent des gens de ton laboratoire de thèse mais tu n’as pas suffisamment de compétences pour aller au-delà de la thèse. »
Après un premier refus de recrutement, je reçois un mail d’un ancien professeur d’école d’ingénieur me disant qu’il a appris que je cherchais un post-doctorat, m’envoyant une offre de projet et que si l’offre me plaisait, nous planifierions une rencontre pour en discuter. L’offre me plait beaucoup, je suis honorée de pouvoir avoir un entretien et de potentiellement pouvoir travailler avec ce professeur que j’estime beaucoup. Mais, au vu de mon expérience récente, je reste persuadée que je vais de toutes façons le décevoir, que je ne serai jamais recrutée dans son équipe de recherche, que si cela m’est proposé c’est qu’il doit me confondre avec une autre de ses anciennes étudiantes. Alors, malgré ma soutenance de thèse qui approche, je passe des heures, à des horaires complètement inappropriés, à lire un maximum d’information sur ce sujet de recherche. Le projet est passionnant, je transmets ma motivation pour ce projet, aucunement besoin de réflexion de leur côté, ils m’embauchent !! J’accepte tout en ayant l’angoisse qu’ils réalisent que je ne suis pas assez compétente.
Le post-doctorat commence. Je me sens isolée, et la petite voix « C’est tout ce que tu peux espérer, tu as déjà de la chance d’avoir été embauchée » s’amplifie jusqu’à prendre (presque) toute la place. Je me bats, je fais de mon mieux, je m’autoforme, et quand j’essaie de m’exprimer, on me répond qu’on est très content de moi. Pourtant, je vivrai presque trois années de mal-être, d’angoisse quotidienne, de peur qu’on réalise que je n’ai pas assez de connaissances, qu’on réalise mon imposture !
Un jour, sans vraiment chercher, je tombe sur une offre qui correspond parfaitement à ce que je fais en post-doc mais dans une start-up, je tente le coup sans y croire ! Je suis pourtant recrutée et débute un CDI début 2022. Ma santé mentale étant pourtant toujours au plus bas, me sentant recrutée par erreur, chance ou manque de candidat… Je travaille sérieusement, je m’implique et pourtant rien ne va… Ma période d’essai sera renouvelée. J’apprendrai plus tard, grâce à mon accompagnement psychothérapeutique, que tout mon être s’était mis à ce moment-là en période « survie » en « mode automatique ». Que rationnellement, il est vrai qu’à cette époque je n’étais pas capable (d’un point de vue psychique) d’utiliser mes compétences et que donc je n’avançais pas assez (ce que j’aurai fait en bonne santé mentale). Je continuais à glisser petit à petit vers cet épuisement total qu’on appelle burn-out, en continuant de me persuader que de toutes façons « Cela était normal vu mes incapacités » (pourtant Docteure en traitement d’images…)
Juillet 2022, la start-up a validé ma période d’essai, j’y vois encore une fois une erreur. Pourtant, la décision est là alors j’avance du mieux possible malgré un épuisement énorme, attendant au fond de moi qu’on réalise que je ne suis « pas assez ». Août 2022, le verdict est sans appel, même si je ne l’accepte pas, ayant encore l’impression que je vais décevoir tout le monde, je dois être mise en arrêt maladie. Le médecin me propose un mois, je négocie deux semaines pour ne pas « trop » décevoir… Le burn-out aura pris toute sa place, l’arrêt maladie durera finalement un an.
Septembre 2023, je croise la route d’ALM-Formation, c’est le début de l’évanouissement de mon imposteur ! Le travail psychothérapeutique, la rencontre de personnes bienveillantes chez ALM, qui rappellent régulièrement tout ce que je fais de bien et pourquoi je suis là, amenuisent petit à petit cette voix intérieure… Mon imposteur reste présent, quotidiennement, pour plein de petites tâches personnelles et professionnelles, mais je le dompte de plus en plus pour qu’il ne prenne plus toute la place ! »
Comment dompter cet imposteur?
En en parlant. En franchissant ce pas. Nous le constatons en formation : savoir que l’on n’est pas seul·e dans ce cas rassure énormément. Lorsque les difficultés sont exprimées à haute voix, devant des pairs, la pression baisse et permet, en retour, de recevoir l’empathie des autres. L’isolement entretient les pensées destructrices, la parole les confronte.
S’exprimer oralement ou par écrit permet de démasquer ces croyances limitantes et de révéler les faits. Comme l’explique Aneline, qui se fait aider par une psychothérapeute et une psychiatre « Il est bon de se poser un moment et de prendre du recul sur la situation. Des méthodes de méditation ou de cohérence cardiaque peuvent aider à se remettre dans un esprit rationnel. Ainsi, on peut analyser la situation et se poser différentes questions : ai-je déjà vécu une expérience similaire ? Si oui, quelle en a été l’issue ? Souvent, on comprend qu’on a déjà vécu cela et que, pour autant, tout s’est bien passé. »
Reconnaitre ses rituels est également efficace en les écrivant et en les analysant. Quelle pensée me traverse la tête avant un moment important ? « Qu’est-ce que je fais ici ? » ou encore « Aujourd’hui, ils vont voir combien je suis nul·le ? » L’écriture va saisir cette pensée et la contextualiser. Puis, en conscience, veiller à la remplacer par une affirmation, beaucoup plus bienveillante envers soi-même, telle que « Je suis capable ».
« Enfin, et même si je sais que c’est difficile, noter ses réussites pour se les remémorer est important ! Nous faisons TOUS des choses biens. C’est simplement qu’aujourd’hui, nous banalisons la réussite qui nous paraît être le strict minimum ! Noter ses réussites, les compliments de nos ami.es, collègues, professeurs, et même d’un·e inconnu.e croisé·e en faisant nos courses nous ayant dit que notre sourire ou notre “bonjour” lui a fait du bien, nous permet de pouvoir les rappeler à notre imposteur quand celui-ci reprend le dessus.» ajoute Aneline.
Un syndrome typiquement féminin?
Dans leur article, Clance & Imes précisent avoir remarqué que les hommes semblaient moins souvent souffrir du syndrome de l’imposteur, et que, dans les cas avérés, il était moins prononcé. Ce syndrome apparaitrait, selon elles, chez des hommes ayant des qualités « féminines », ainsi qu’écrit dans l’article, mais qu’une étude clinique devait être conduite pour l’affirmer.
Ce témoignage d’un doctorant nous donne un aperçu de son vécu :
« J’ai du mal à avoir confiance en moi. Parfois j’ai du mal à partager mes idées car je pense que les autres vont les trouver sans valeur voire stupides. Je ne me sens pas à ma place dans de nombreuses situations et je pense que les autres sont bien plus qualifiés que moi pour ce poste. Ce syndrome de l’imposteur me fait beaucoup procrastiner, et me fait stresser la plupart du temps. »
En formation, de nombreux doctorants expriment leur mal-être. Heureusement, en 2025, les hommes peuvent en parler publiquement sans être jugés comme étant faibles. Leurs émotions sont enfin acceptées, et leur souffrance prise en compte. Le mythe de l’homme fort qui ne doit pas pleurer s’effiloche pour laisser place à l’authenticité.
Ensemble, nous pouvons être à l’écoute les un·es les autres, et alléger nos souffrances communes. Être à l’écoute sans jugement, sans répartie. Tout simplement pour s’entre-aider.
Une saison de réflexion
Alors que la lumière du jour commence à se faire discrète et que nous recherchons chaleur et confort, il serait peut-être opportun de saisir ce moment pour nous recentrer.
« Notre imposteur a tendance à nous faire croire que nos réussites sont des plumes et que nos doutes sont en pierre ! » conclue Aneline.
Nous pourrions en profiter pour faire le point, nous remémorer et écrire les compliments reçus en maitrisant les critiques sournoises qui pourraient pointer leur nez. Pourquoi ne pas s’accorder un peu de temps et de bienveillance ?
Pour citer Marine Pansu, co-gérante d’ALM-Formation « la seule personne avec qui l’on est sûr·e de passer toute sa vie, c’est soi-même. Alors, autant se sentir bien avec soi ».
Des mots sages sur lesquels méditer
Chez ALM-Formation, nous croyons en vous.
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