
Les formations à l’éthique et l’intégrité scientifique sont obligatoires pour l’ensemble des doctorants et doctorantes. Ces questions sont fondamentales pour l’ensemble des scientifiques.
Laurence Moss est l’une des formatrices du réseau ALM Formation qui accompagne les jeunes chercheurs dans leurs réflexions sur l’éthique.
Dans ce texte, elle partage son expérience de formation et questionne l’essence même de ce qui est éthique.
“Mais, finalement, qui décide de ce qui est éthique ?”
Cette question m’a été posée par une étudiante lors de la formation Éthique de la recherche.
Juste, pertinente, cette demande est révélatrice du flou qui entoure le sujet de l’éthique aujourd’hui. Il est intéressant de constater que de nombreux jeunes adultes ignorent où sont les repères. Il arrive qu’ils pensent que quelqu’un doit juger et décider pour eux de ce qui est éthique et de ce qui ne l’est pas.
La notion d’éthique n’est pas nouvelle. Elle date d’Aristote, philosophe grec de l’Antiquité, né en 384 av. J.-C. Elle fut ensuite largement développée par Kant, qui exprime trois maximes « : 1. penser par soi-même, 2. se mettre par la pensée (dans la communication avec les êtres humains) à la place de l’autre, 3. penser toujours en accord avec soi-même ».*
Les maximes de Kant, aussi puissantes soient-elles, sont à placer dans un contexte d’individus qui se construisent et bâtissent leurs valeurs — sur lesquelles ils baseront leur éthique— avec un enseignement provenant de la société, de l’école, de la famille, de la religion, des journaux, et, depuis une soixantaine d’années, de la télévision et des médias en général. En bref, dans une société en constante évolution. Et depuis la Révolution industrielle et les progrès de la science, il est devenu parfois difficile de savoir ce que l’on considère comme acceptable humainement et socialement, et donc, éthique.
En 2022, malgré l’explosion de l’information, le constat est que ces notions d’éthiques ne semblent plus être au cœur de notre éducation ; une véritable confusion s’empare des esprits lorsqu’elles sont évoquées. Après tout, des comités d’éthiques sont créés dans de nombreux domaines. Ils tranchent sur la démarche à suivre. Alors pourquoi s’en soucier ? Pourtant, ces comités sont constitués d’individus qui ont créé leurs propres jugements de valeur, et ces valeurs s’interfèrent dans tous les domaines.
Et pendant ce temps, les structures de la société changent.
L’exemple du droit à l’avortement a récemment fait courir une onde de choc dans le monde entier. Ce droit, historiquement accordé aux femmes en 1973 sur l’ensemble du territoire aux États-Unis avec l’arrêt Roe vs Wade, relève, depuis juin 2022, de la décision de chaque État, qui est désormais libre d’interdire ou d’autoriser l’avortement sur son sol. Cette décision de la Cour suprême plonge les médecins dans un dilemme éthique car ils ne pourront plus agir au mieux pour leurs patientes, selon leurs souhaits, en fonction de leur santé physique et mentale. Ils devront bafouer leur droit à la confidentialité, à la dignité et à la liberté. L’obéissance aux lois de l’État imposera dans certains cas une grossesse qui aura des conséquences catastrophiques pour la mère, l’enfant, et tout un entourage. Dans cette situation, les médecins devront renier le serment d’Hippocrate qu’ils avaient promis d’honorer, notamment : « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leur conviction. »
Alors, qui décide vraiment de ce qui est éthique ou non ?
Et, surtout, qu’est-ce qu’une réflexion éthique ?
C’est pourquoi, à ALM, nous sommes ravis que les doctorants aient dans leur cursus une formation à suivre sur l’éthique de la recherche. Nous avons à cœur de répondre aux questions de ces chercheurs qui construisent la société de demain, et de soutenir leur esprit critique.
À bientôt pour des discussions animées !
*(Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, GF Flammarion, p 149, traduction Alain Renaut. Voir aussi La critique de la faculté de juger (1790))
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